Université Stendhal Grenoble 3
Pour Nelly Frenoux,
Pour Titouan et sa première cabane.
Larbramo Rêverie à partir de « Cabanes »
Sur la scène, le squelette d’un arbre-cabane qui va se couvrir peu à peu de tous les mots que choisiront les enfants, jeunes enfants.
Une chanson résonne, venue d’ailleurs.
Feuilles de vie, feuilles du temps,
Feuille à feuille pour longtemps,
Feuilles de vie, feuilles du temps,
Tu rêveras aussi souvent.
Feuilles de pluie, feuilles de sang
Feuille à feuille pour longtemps,
Feuilles de pluie, feuilles de sang
Tu grandiras bon an, mal an.
Feuilles de suie, feuilles de cendres,
Feuille à feuille pour longtemps,
Feuilles de suie, feuilles de cendres,
Tu planteras ce beau géant.
Feuilles de vie, feuilles du temps,
Feuille à feuille pour longtemps,
Feuilles de vie, feuilles du temps,
Tu nourriras ce beau géant.
Apparaît une silhouette de liane, souple tige à l’épaisse crinière de lionne. Bruits de jungle, cris d’oiseaux, murmure de frondaisons. Temps arrêté. Soleil immobile.
La silhouette s’installe à côté de mille instruments de pluie, de sang, de suie et de cendres. Ils dormaient au pied de l’arbre nu.
Elle sera la seule porte-parole, en plus de l’arbre.
Premier mot
En ce temps-là
Feuilles de vie, feuilles du temps
Jamais enfant n’avait marché sur cette terre
Les arbres lianes portaient des fruits à eux seuls destinés
Feuilles de vie, feuilles du temps
Jamais enfant n’avait pleuré un temps rêvé
En ce temps-là
La silhouette prend un des instruments et s’installe contre le tronc de l’arbre nu.
Feuilles de vie, feuilles du temps
Une pluie d’étoiles avait ensemencé le lac
Les voyez-vous
Là-bas
Ecoutez-les plonger leurs pointes lumineuses dans l’ève calme
Qui n’en revient pas
Ecoutez-les doucement prendre leur bain de terre et d’eau
Le ciel se penchait sur la terre, s’y mirait et
Orphée, ta lyre
Rejoignait nos entrailles au feu de la terre
En ce temps-là
La silhouette choisit d’autres instruments, se déplace, mue, disparaît, réapparaît.
Feuilles de vie, feuilles du temps
Jamais enfant n’avait marché sur cette terre
L’eau du lac doucement engloutit les étoiles
Orphée, ta lyre
Et l’enfant naquit
Précipité d’humanité
Petite grenouille à peine esquissée
Tenez regardez
Là-bas
Denis Michel, enseignant, Physicien, Présidet de l'association "Ecoute Voir"
Aller voir une création de Nelly Frenoux, c’est aller à la rencontre d’émotions et pénétrer dans un champ de découvertes. Dès les premiers sons, puisqu’il s’agit d’émotions sonores essentiellement, dès les premières lumières, puisque s’enchaînent des tableaux, le spectateur, très jeune ou non, comprend vite que l’artiste s’adresse à lui et qu’un temps lui est donné pour mettre ses premiers pas dans un univers à explorer. L’écriture artistique, respectueuse de son public, permet à chacun d’être peu à peu disponible et de compter sur sa sensibilité personnelle.
La dernière création de la Compagnie La voix du Hérisson, “Cabanes“, s’installe ainsi sur un plateau partagé avec le public, fait de tout-petits, accompagnés de « grands ».
Le thème est universel, biologiquement et humainement : du Bernard-l’hermite, qui cherche au fil de sa croissance un nouvel abri, à l’être humain, qui fabrique, au fil de son enfance, des mondes multiples, protégés, « cabanes » virtuelles ou plantées dans l’espace de jeu, toujours faites de morceaux disparates et fragiles, mais perçues comme ses premières créations, les plus belles et éternelles.
On laisse chacun ses cabanes dans un coin de sa vie, mais on n’oublie pas pour autant les légendes et les contes qui y ont trouvé refuge.
A y regarder de plus près, quand on a la chance d’être sur le plateau, au milieu de ces petits, accompagnés de leur maître et de quelques parents, le spectacle inonde son public. Nelly Frenoux mène la danse, Pierre Garbolino tire les fils d’une mise en scène subtile, et nous, les « grands », pensons aider les enfants à rester à l’écoute par quelques « chuuuts » qui s’intègrent très bien dans le champ sonore qui s’ouvre de plus en plus.
Rien n’est laissé au hasard, chaque moment interpelle l’intelligence de l’enfant, dans une totale liberté. Ce dernier ne s’y trompe pas car, bien que tout petit, il reste aux aguets, pendant un temps immense et à sa façon, dans cette première expérience théâtrale.
L’émotion est source d’intelligence. C’est ce que des spectacles, comme Nelly Frenoux nous donne à voir, rappellent aujourd’hui. C’est vital.
Maryse Grison, Educatrice de Jeunes Enfants
Une impression générale de quelque chose de juste et très à la portée des enfants.
Le choix des personnages est judicieux parce qu’il allie les coutumes brésiliennes (perroquet, sorcières, Yémanja la sirène mi poisson, mi princesse…) et le fait que les enfants sont sensibles à la présence de la nature et des animaux. J’ai senti un grand respect pour l’enfant, presque un dialogue, en tout cas le souci d’un lien avec lui tout au long du spectacle.
J’ai pratiqué le métier d’Educatrice de jeunes enfants pendant longtemps, et je sais combien la notion de cabane est importante pour eux : « Construire sa maison et habiter le monde ». Je trouve très sensible le fait de commencer par les coquilles d’escargot, (la nature) c’est petit mais c’est aussi une maison.
L’étymologie du mot « cabane » vient du latin « capanna » : « ce qui contient un homme debout ». La cabane apparaît bien comme une coquille. Il semble que l’enfant, en créant des espaces « à lui » pendant son jeu, aménage non seulement un espace extérieur, mais élabore aussi un espace « intérieur », corporel et psychique. On pourrait dire que la cabane a un caractère féminin dans le sens où elle protège, est une enveloppe chaleureuse. Ainsi l’enfant continue ce que la mère a fait pendant sa prime enfance : le soigner, l’envelopper, le rassurer.
Colette Moulin, Directrice d’école maternelle
Un spectacle musical et poétique de grande qualité.
Les enfants des trois classes maternelles sont embarqués par la musique, la voix chantée et sont émerveillés par les couleurs des costumes et du décor. Les chants et les textes sont à la fois poétiques et riches en vocabulaire. Avec un tel spectacle on tire les enfants vers le haut. “Cabanes“ est un spectacle à ne pas manquer.