Nelly Frenoux
v o i x      t h é â t r e   m u s i c a l   j e u n e   p u b l i c   

Comment donner la parole aux enfants, si ce n’est tout naturellement, en donnant à voir leurs dessins reçus régulièrement par La Poste, suite aux représentations scolaires. Commentés ou non par les enseignants, ces dessins m’ont beaucoup appris sur les enfants, sur leur perception de l’instrumentarium et de la scénographie, qu’ils étudient et mémorisent le temps de la représentation. Selon l’âge des enfants, il m’est arrivé de recevoir de textes écrits en classe, racontant leur vision du spectacle et me posant des questions pertinentes sur le fond et la forme. Parfois encore, lorsque des plus grands assistent aux représentations, je reçois des rédactions parlant du thème, dans lesquelles leurs imaginaires s’expriment à loisir ! Les enfants mémorisent, interprètent le spectacle et le transposent dans leur culture, n’hésitant pas, par exemple, à rajouter des franges au tapis de « Bogue », alors qu’elles n’existent pas ! Imprégnation du culturel libanais et des tapis orientaux ! Il est étonnant de constater la précision des dessins provenant des tout petits, pointant ce qui les touche le plus, ce qui les émeut. N’oublions jamais que pour eux, le spectacle est aussi réel que le trafic de la rue ou leur vie familiale. Ainsi par exemple le plus petit personnage sur scène, « Papagaio » dans « Cabanes » est-il à coup sûr représenté dans leurs dessins, et fait le pendant avec l’autre perroquet. Les enfants s’attachent à ce petit oiseau en verre qui s’éclaire pendant la représentation et qui n’a pourtant pas un rôle majeur. Les ampoules sur la cabane sont toutes dessinées et les personnages sont reproduits selon le plaisir qu’ils ont goûté à les rencontrer. Les trois escargots sont dessinés, montrant l’importance de ce petit animal, qui est à l’échelle de leur main. Un échange culturel fort se joue dans ces échanges de courriers, entre artistique et pédagogie. Parfois même je reçois, dans une enveloppe soigneusement décorée (mail art !), en plus des dessins, une cassette audio enregistrée en classe avec les enfants.

J’ai conservé environ 700 dessins en provenance des nombreuses classes et des différents pays dans lesquels ont été jouées les créations « Bogue », «Pêcheurs de sons », « Naissances » et « Cabanes », chacun attestant d’une profonde singularité et d’une grande précision dans le souvenir de l’émotion. Dessinés à la gouache, à l’encre, au crayon noir, au feutre, au crayon de couleur, ils sont les créations des enfants. Souvent accompagnés d’un courrier de l’enseignant, ces dessins sont les signes vivants du lien entre les spectacles et le public. Ils disent le temps du spectacle, l’émotion partagée, et le plaisir d’une représentation ancrée dans le lien affectif et inscrite dorénavant dans la mémoire de l’enfant. Je remercie les enseignants qui savent faire vivre le spectacle en classe, au-delà du temps de sa représentation, et mettent en scène ces échanges culturels primordiaux.